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Interview du groupe HandiShare : un modèle d'entreprise à la croissance raisonnée

Rencontre avec l'entreprise adaptée lyonnaise qui allie stabilité économique, épanouissement de tous et solidarité

2 juillet 2021

#RH #RSE #STRATEGIE D'ENTREPRISE #QVT #CAPITAL HUMAIN #CARE #TRANSFORMATION #ENTREPRISESENGAGEES

Handishare est une entreprise comme les autres à un détail près : 80% des 31 salariés en CDI sont en situation de handicap. Souvent en reconversion professionnelle suite à un accident de la vie, il peut s’avérer très difficile de garder ou évoluer dans son emploi. 

Patricia Gros Micol, fondatrice et dirigeante de HandiShare, s’est lancé le défi de faire changer le regard sur le handicap en créant une entreprise adaptée qui propose des services à forte valeur ajoutée sur des fonctions clés. 

Située à Limonest, la PME réalise des missions d’assistance aux fonctions supports de ses entreprises clientes : RH, achats, gestion, informatique ou encore marketing. 

Aujourd’hui, HandiShare compte une soixantaine d’entreprises clientes, de la petite entreprise aux grands comptes, qui plébiscitent l’agilité, les compétences et les valeurs fortes de la structure pour les accompagner. 

Fort de ce succès, le groupe a créé sa filiale HandiShare Intérim fin 2019, une Entreprise Adaptée de Travail Temporaire (EATT), dirigée aujourd’hui par Maud Georget, Directrice d’Agence, qui améliore l’emploi direct des travailleurs handicapés grâce à un parcours sur-mesure. 

Rencontre avec Patricia Gros Micol, fondatrice et dirigeante du groupe HandiShare, une femme de convictions et engagée depuis le premier jour dans une démarche d’entreprise responsable. 

Bonjour Patricia, pourriez-vous vous présenter en quelques mots pour nos lecteurs ?

Après 25 ans dans des grands groupes, j'ai eu envie de créer une structure qui portait des valeurs un peu différentes. J’ai créé Handishare avec la volonté d’allier des valeurs économiques avec un projet social. 

Je me suis tournée vers des personnes touchées par des accidents de vie, qui voyaient souvent leur situation professionnelle anéantie, parce qu'elles ne pouvaient plus exercer leur métier d'origine. J’ai personnellement vécu cette situation : à 17 ans, un train est venu percuter le nôtre alors que j’étais en route pour passer les concours des Grandes Ecoles. Je me suis retrouvée handicapée à vie, même si cela ne se voit pas, mais j'ai eu la chance de pouvoir continuer mes études et travailler normalement.  

C'est cette situation personnelle qui m'a amenée à réfléchir aux types de métiers accessibles aux personnes touchées par un accident de vie. Il s’avère qu’il est parfois très compliqué pour ces personnes de garder ou retrouver un travail par la suite.

En créant Handishare, j'ai fait le pari que ces personnes-là avaient des aptitudes qu'on pouvait transformer en compétences sur de nouveaux métiers, notamment sur toutes les fonctions supports (en ressources humaines, en achat, gestion, marketing et informatique etc.). 

Aujourd'hui, au bout de bientôt dix ans, 100% de nos clients sont satisfaits chaque année. Les premières années, on nous demandait de coller des étiquettes sur des catalogues, aujourd’hui nos entreprises clientes nous demandent de gérer le recrutement de leurs salariés ou encore de gérer des projets de gestion des achats de classe C. 

Nous avons de vrais professionnels sur des nouveaux métiers. Le défi n'était pas simple à relever, mais nous y sommes arrivés !

Quelle est la place accordée à la Qualité de Vie au Travail dans la démarche RSE du groupe Handishare et pourquoi ?

Je dirais que la qualité de vie au travail fait partie de nos valeurs fondatrices. Notre ambition était de créer et maintenir un environnement de travail où les personnes se sentent bien. 

"Nous sommes dans une logique de croissance raisonnée avec pour objectif de trouver un équilibre entre stabilité économique et épanouissement de tous, y compris des dirigeants." 

Pour cela, nous diffusons et portons tous des valeurs fortes de solidarité, d’engagement mais aussi de transparence. Il est important de dire aux salariés ce qui se passe dans la vie de l’entreprise, que ce soit positif ou négatif. Par exemple, en troisième année nous avions perdu l’un de nos plus gros clients qui faisait 40% de notre chiffre d'affaires. Je l'ai tout de suite dit à l'équipe, en leur expliquant que ce n’était pas de notre fait mais lié à un problème économique chez le client. Nous nous sommes retroussé les manches tous ensemble et nous y sommes arrivés sans problème en terminant l’année à +10%.  

"A mon sens, la transparence avec ses équipes permet de cultiver des relations de travail éthiques et sincères." 

Pour favoriser l’engagement de tous, nous privilégions une gouvernance participative; c'est-à-dire que que nous faisons intervenir le plus possible les collaborateurs dans les prises de décisions. Ce système s’est mis en place progressivement. Par exemple, ce sont eux qui ont décidé de certains avantages d’entreprise dont ils bénéficient. De mon côté, en tant que dirigeante, j’ai appliqué ce qui a été voté à la majorité après leur avoir communiqué un budget annuel. Nous avons également un CSE avec lequel nous travaillons régulièrement pour mettre en place des actions en réponse à certains besoins des collaborateurs. 

HandiShare a obtenu l'agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale) qui nous a amenés à modifier nos statuts en stipulant que les dividendes devaient être limitées (nous n’en avons jamais distribué) ainsi que les salaires des dirigeants. L’objectif est que le fruit du travail revienne à l’équipe et à l’entreprise pour garder une capacité d’investissement. Nous fonctionnons ainsi depuis le début. Depuis 9 ans, le plan d’intéressement permet ainsi de redonner aux salariés une partie des fruits de ces efforts collectifs.

Nos collaborateurs travaillent également sur des temps de travail et des horaires choisis. Nous avons tous types de métier et essayons de faire choisir les horaires de chacun. Par exemple, certaines personnes commencent très tôt le matin pour ne pas être surchargées dans les transports en communs; d’autres, ne sont juste pas du matin et commencent à 10 heures. Nous essayons de répartir au mieux les temps de travail pour assurer une disponibilité à nos clients sur une large plage horaire mais aussi pour assurer le confort de chacun dans son quotidien

En termes de bien-être, j’ai longtemps cherché ce qui pourrait faire plaisir à l’équipe. Nous avons essayé différentes choses, comme la méditation de pleine conscience.  C’est la réflexothérapie (qui est un massage des pieds) qui a remporté l’adhésion du plus grand nombre. HandiShare offre une séance individuelle de massage aux salariés une fois tous les trois mois au bureau. Ce sont de vrais moments de bonheur pour tout le monde ! 

Nous organisons aussi différents évènements conviviaux et festifs très importants pour l’esprit d’équipe : repas de Noël, œufs de Pâques etc. Pendant le confinement, nous avons organisé un concours de cuisine, en ligne, avec des envois de photos. 

Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté votre démarche de QVT ? 

Il est certain que la COVID a freiné les relations sociales mais finalement nous avions préparé le terrain en mettant en place le flex office en Juillet 2019.  L’idée était que chacun puisse travailler d’où il voulait, et notamment aussi en télétravail. Tout le monde était équipé d’ordinateurs portables. Quand est arrivée la crise avec les prémices d’un confinement pour tous, nous avons facilement basculé en télétravail pour assurer la pérennité de l’intégralité des missions et éviter une rupture d’activité. 

Certains de nos clients ont subi une perte d’activité, ce qui nous a directement impactés. Nous avons eu recours au chômage partiel sur 3 mois durant le premier confinement. Durant cette période de distanciation, nous avons mis en place des formations en ligne, aussi bien sur des sujets techniques, informatiques mais aussi sur des sujets de développement personnel ou encore de relaxation, yoga, méditation etc. Nous avions aussi proposé aux salariés d’être suivis par des coachs s’ils en ressentaient le besoin. 

A la sortie du confinement, un intervenant est venu écouter les équipes par petits groupes de 5 - 6 personnes pour identifier les points de souffrance et trouver des solutions pour aider ces personnes. 

"Les salariés, comme la direction, ont pu s’exprimer sur leurs vécus, leurs ressentis. Nous avons tous eu des ressentis difficiles, d’où l’importance d’en parler ensemble." 

Une des difficultés rencontrées a été de gérer la peur de certains salariés face au virus. Certains avaient de fortes craintes à revenir en présentiel. Cette crise a davantage fragilisé certaines personnes et en tant qu’employeur notre accompagnement peut avoir ses limites. Nous avons donc eu recours à un service de prise de rendez-vous en ligne avec un médecin pour accompagner les personnes dont la santé psychique avait été fragilisée durant cette période. 

Cela a été une période très difficile aussi bien pour les collaborateurs que les dirigeants d’entreprises. La crise a affecté beaucoup de nos clients, ce qui a amené certaines prestations à être mises en pause ou encore à subir des retards de paiement. Heureusement, notre trésorerie est saine mais cela a été une vraie difficulté supplémentaire. C’est dans ces moments-là qu’on voit si la solidarité est réciproque. Cela nous a permis de renforcer les liens avec les entreprises qui ont su être réactives et honorer leurs engagements, et à contrario d’identifier les entreprises avec lesquelles nous ne souhaitions plus collaborer. 

Avec du recul, je pense que nous avons bien géré cette situation chez HandiShare, en composant avec nos problématiques personnelles et l’épuisement que cette situation a généré. 

Quelle corrélation faites-vous entre votre politique sociale et la performance du groupe Handishare ?

Je pense que notre meilleur indicateur est notre très faible taux de turn-over. Nous avons un fonctionnement en mode projet qui nous convient et la cohésion d’équipe est vraiment bonne. Nous pouvons quasiment tout nous dire, il y a un vrai partage, et nous essayons toujours de trouver des solutions ensemble. 

"Les salariés restent longtemps chez HandiShare parce qu’ils s’y sentent bien, ils évoluent et développent leurs compétences." 

Par exemple, nous avons sollicité les salariés sur leurs idées pour adapter notre façon de travailler et protéger tout à chacun pendant le confinement mais aussi lors de la reprise d’activité. Les solutions ont été trouvées, votées et forcément bien mieux appliquées que si nous les avions imposées. 

Aussi, la crise sanitaire a été un catalyseur d’une solidarité déjà très forte chez nous. C’est à ce moment-là que nous avons pu constater que les valeurs étaient réellement partagées. Certains salariés se sont mis au service des autres pendant le confinement (création bénévole de masques, paniers alimentaires pour les étudiants, écoute auprès des personnes isolées etc.). La solidarité ne se mesure pas, mais ce type de dynamique est un indicateur fort pour moi. En tant qu’employeur nous avons valorisé ces actions au maximum en interne et en externe avec des témoignages, des images etc. Nous avons également pris part au projet environnemental Time for the Planet. Nous avons un vrai engagement sociétal qui nous tient tous à cœur. Tous ces éléments mis bout à bout sont pour moi des signes positifs. 

Et puis, il y a eu notre grand projet solidaire et humanitaire, MadaShare, qui est un indicateur à lui tout seul. En 2017, lors des 5 ans d'HandiShare, j'avais annoncé devant plus de 100 personnes "Dans deux ans, avec nos salariés, nous partons en mission humanitaire à Madagascar". Ils se sont tous demandé si nous allions réellement le faire ! Je suis personnellement très impliquée auprès de ce pays depuis 2006 avec mon mari et mes quatre enfants. J’ai d’ailleurs fait deux livres de photos sur ce pays dont les bénéfices ont été donnés à une association lyonnaise, FIDES.  

L’objectif de ce projet était d’aller dans une école primaire de Madagascar pour donner des cours de français. Pendant deux ans, toute l’entreprise a travaillé sur ce projet : à la fois sur des aspects logistiques, de financement participatif mais aussi sur la communication et la mise en place d’un storyboard pour la création d’un film de sensibilisation diffusé en France auprès des entreprises. 

Nous avons réussi à collecter 80 000 euros qui ont permis de financer partiellement le voyage de certains salariés, différents projets sur place, la réalisation du film par un vidéaste professionnel, et de reverser près de 20 000 € à FIDES pour la réalisation de nouveaux projets. 

L'objectif de ce film est de montrer qu'en France on peut conjuguer handicap et compétences chez Handishare avec des personnes qui viennent d'horizons très différents…et que ces personnes ont également su conjuguer handicap et dépassement de soi au service des autres à travers ce projet. Vous pouvez d’ailleurs retrouver le teaser du film sur Youtube ici. 

Avec FIDES, nous avons co-construit neuf écoles à Madagascar qui ont permis la scolarisation de plus de 1 000 enfants. Les salariés disent que ce voyage a été magique. Juste magique.

Quelles sont les bonnes pratiques que vous pourriez partager à une entreprise souhaitant initier une démarche de QVT ?

En tant que dirigeante, je dirais qu’il est essentiel d’avoir une certaine ouverture d’esprit et d’être conscient que nous devons être un exemple de la dynamique que nous souhaitons insuffler dans l’entreprise. Je crois beaucoup en la force de l’exemple et que si nous n’appliquons pas certaines choses à nous même, cela ne fonctionnera pas auprès des équipes. 

Par exemple, quand je demande à mes salariés de porter le masque, cette directive s’applique aussi à moi. Même si je suis dans un bureau individuel et que, au vu des directives gouvernementales, je pourrais très bien l’enlever, je le garde toute la journée par solidarité.  

Je pense qu’une bonne pratique à avoir en tête est de penser co-construction : aussi bien avec ses équipes mais aussi ses clients. Par exemple, pour notre projet humanitaire MadaShare, un client est parti avec nous. 

Bien entendu, il faut une authenticité, une sincérité dans la démarche et quelque chose de concret qui s'inscrive dans la durée. Pour moi si c'est du “one shot”, ça n’est pas un engagement. 

"Il faut avoir un objectif long terme et ne pas s’attendre à des résultats immédiats." 

Voilà pourquoi nous avons pour objectif de partir de nouveau en 2025, en emmenant avec nous des partenaires…Avis aux candidats !

Quelles sont les futures évolutions et enjeux de votre politique sociale ?

Dans un premier temps, comme beaucoup d’entreprises, notre priorité est de pérenniser le télétravail et pour cela continuer à équiper au mieux nos collaborateurs à leurs domiciles, comme nous avions déjà pu commencer à le faire.  

Ensuite, je dirais que l'impact de la crise sur le plan social a été très dur à vivre. Sur le plan économique nous nous en sommes très bien sortis avec un chiffre d’affaires supérieur à celui de l’année dernière malgré trois mois de très forte chute.  Maintenant ce qui reste complexe, c'est le lien social dans le contexte de jauges actuelles et sachant que chez nous personne ne veut rester en télétravail à temps complet.

Pour terminer cette interview, je tenais à remercier toutes les équipes d’HandiShare qui sont là aujourd’hui, ont été là et qui je l’espère seront là demain aussi. Ce que nous accomplissons aujourd'hui est sans commune mesure avec ce que nous faisions il y a dix ans. L’évolution de l’équipe est remarquable. Merci pour ça. Merci aussi à nos clients et partenaires qui nous font confiance au quotidien.” 

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Propos recueillis par Laura De Angelis, le 16/04/2021